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Portrait d'Octobre | Ahsraf (Ukraine)

Nous débutons une série de portraits des réfugiés et demandeurs d'asile de notre association à travers le blog de notre site internet, puisqu’il nous tient à cœur de faire entendre leurs voix, de vous raconter leur histoire, puisque chacune est unique. Chaque récit est un témoignage recueilli directement auprès de la personne concernée lors d’une petite interview, elle est relue par la ou le concerné(e), avant d’être publiée.


En construisant ces portraits et en vous les offrant, nous souhaitons vous partager un infime morceau de la vie de ces personnes, de ce qu’elles ont vécues en quittant leurs pays et en tentant d’en intégrer un autre. Nous ne voulons apporter aucun jugement, ne faisons passer aucun message politique et tentons autant que faire se peut, de rester neutre dans nos propos. Ce que nous souhaitons plus que tout vous offrir, c’est la possibilité d’envisager un monde plus ouvert d’esprit; puisque la question des réfugiés est un sujet controversé, mal-compris où plane des incertitudes et certaines préconceptions dans l’imaginaire mondial.


L’enjeu de l’intégration des réfugiés est pourtant récent dans l’histoire de l’humanité et tendra à s’intensifier et remettre ainsi en question les réflexions gouvernementales, les lois et le status-quo de nos sociétés, aux vues des tendances démographiques humaines liées au multiculturalisme, aux drames écologiques, humanitaires et politiques futurs; décuplés par l’accélération de la globalisation. Les peuples sont d’autant plus connectés, les cultures se mélangent et les notions traditionnelles de citoyenneté et nationalité sont peu à peu bouleversées. Peut être que ces portraits vous aideront davantage à considérer qu’un monde diversifié et complexe est face à nos yeux, qu’il n’est pas peint de noir et de blanc mais bien d’une multitude de teintes de gris; où l’ouverture sur l’autre devient une nécessité afin d’y vivre un peu plus en harmonie.


Pour rappel: un réfugié est une personne forcée de quitter son pays afin d'échapper à un danger (guerre, persécutions, catastrophe naturelle, etc.). Cette personne a légalement obtenu l’asile dans un pays tierce. Un requérant d’asile est encore en procédure légale de demande de permis avec le futur potentiel pays d’accueil; un migrant est simplement une personne vivant autre part que dans son pays d’origine.




Voici l’histoire d’Ashraf.


Ashraf a le visage doux, les cils longs, un sourire radieux; il est très poli. Il est un jeune étudiant d’origine marocaine, et habite en Ukraine depuis maintenant 3 ans. Il a construit sa vie là-bas: ses amis et sa maison sont ici, il s’y sent bien et parle le russe, il aime la culture du pays et la douceur de sa vie. Jusqu’en février 2022, il étudie l’ingénierie à Karhkiv, dans l'est du pays, en colocation avec un ami et leur chat, Danika.


Pourtant, au matin du 24 février, sa vie bascule. Il se fait réveiller par le retentissement violent des attaques, des tirs, et le hurlement des sirènes stridentes; la ville est en alerte. Perdu, il regarde son téléphone et y trouve toutes les réponses à ses questions: la guerre est arrivée en Ukraine. Ils passent plusieurs jours à attendre, barricadés dans leur appartement, à sortir discrètement afin d’acheter un peu de nourriture de temps à autre, mais la situation ne fait que d’empirer.

Il doit fuir.


Afin de se protéger, ils décident de quitter le pays, et de s’aventurer vers la ville de Lviv, à l’opposé ouest du pays. Ils emportent Danika avec eux, mais aucune affaire ni vêtements. C’est ainsi que débute leur cavale, leur long voyage forcé. Ils se rendent à la gare de Karhkiv, et découvrent alors un drame humain: des centaines de personnes en larmes, arrachées à leurs foyers, forcées de partir en précipitation sans savoir où réellement aller; des enfants perdus, des personnes bouleversées, s’amassant dans les rames du train, terrifiées par leur lendemain. Ils réussissent à monter, et passent une journée et une nuit entières à voyager, étriqués, serrés aux familles en fuite; quand, enfin, les lueurs de Lviv apparaissent.


La situation est terrible et la menace pesante, ils sont résignés à quitter le pays, coûte que coûte. Depuis Lviv, ils tentent de rejoindre la frontière polonaise la plus proche se trouvant à 71km de marche. Ils ne trouvèrent aucune nourriture sur la route, et très peu d’eau. Ils n’y trouvèrent certainement pas le sommeil. Ashraf réalise brutalement durant cette marche qu’il a du tout abandonner: ses amis, les personnes avec qui il passait des jours merveilleux, son appartement d’étudiant, et il se demande ce que deviendra son avenir qu'il pensait prometteur. Il n’arrivait pas à réaliser l’absurdité et la brutalité de la situation, qu’une réelle guerre avait explosé chez lui.


Arrivés à la frontière polonaise, ils attendent patiemment leur tour afin de passer la douane. Ils donnent leurs papiers d’identité, et les voici propulsés dans la jungle extérieure. Ils cherchent immédiatement à se nourrir, se réchauffer et boire en quantité. Ashraf a ressenti la réelle faim, le froid mordant et la soif qui vous tord les tripes pour la première fois de sa vie; les denrées polonaises, les vêtements chauds et leur accueil lui permettent de survivre au jour le jour. Ils dorment dans la rue tous les trois, Danika ne les quittant pas. Un chat réfugié pour assurer leur protection, pour garder précieusement avec eux leur humanité, et un morceau de leur chez-eux.


Ils traversent ensuite la Pologne en train. Ils atteignent l’Allemagne. Puis, ils arrivent enfin à leur destination, incertains et la peur au ventre; la Suisse les attend là, paisiblement. Les trois compagnons avaient décidés de s’y rendre puisqu’Ashraf y avait une connaissance, l’ami d’un excellent ami marocain. Alors qu’ils ne s’étaient jamais rencontrés, Fluri vint les accueillir à la gare de Genève Cornavin. Ashraf passe une semaine chez lui, où il l’héberge et lui permet de se reposer avant la suite d’une désagréable aventure: les foyers de migrants. Il est difficile de se considérer tout à coup comme demandeur d’asile auprès d’un gouvernement étranger, alors que l’on a même pas encore digéré les événements tragiques que l’on vient de vivre, et que nous n’avions en aucun cas la volonté de quitter le pays où nous habitions. Il faut quelques semaines à Ashraf avant de se rendre compte de cette nouvelle situation: il passe de foyers en foyers, où les conditions sont rustres, où l’on est mélangés à la danse des histoires et des tragédies.

Il n’obtient pas le permis permanent réfugié S, alors qu’il n’avait même pas considéré faire une demande d’asile auprès du gouvernement suisse, puisque son statut à lui était clair: il reviendra le plus vite possible en Ukraine, où sa vie et son futur doivent appartenir. La Suisse demande à Ashraf de rentrer au Maroc, son pays d’origine. Il ne considère absolument pas cette option aujourd’hui, c’est l’Ukraine son pays désormais. Il compte rentrer en Ukraine dans quelques semaines, mais la situation étant totalement incertaine, il attend impatiemment. Sa reconnaissance envers la Suisse est grande, il a reçu des soins ophtalmologiques et psychiatriques, mais il ne s’y sent absolument pas chez lui pour le moment.



Ashraf, son colocataire et leur chat Danika, arrivés en Suisse

Chaque histoire de réfugiés est unique; il est difficile d’envisager une option claire concernant le parti pris par les pays d’accueil, les victimes concernées et les pays d’origine; les lois ou régulations à mettre en place à grande échelle tout en considérant chaque individu au cas par cas, ou encore le point de vue à adopter. De trouver des solutions démographiques tout en gardant de l’humanité, de savoir à qui revient la responsabilité.


Chaque personne peut cependant localement apporter un peu d’aide, simplement en ouvrant un peu son cœur; en se débarrassant des potentiels préjugés, et en considérant que chacun vit un chemin différent aux multiples facettes de complexités infinies. À notre échelle, nous pouvons tous avoir un impact d’empathie et de compréhension pour un autre être humain.


Le chemin de l’intégration est en effet long, nous le verrons dans le prochain portrait: celui de Palawan, irakien réfugié depuis 6 ans en Suisse. En attendant, Ashraf a participé à deux activités Peaks4All et s'est fait de nouveaux amis: il a adoré notre dîner multiculturel à la Maison de Quartier des Eaux Vives, et a participé à notre première sortie vélo organisée le 23 Octobre 2022, avec trois bénévoles et six participants. Ils ont rallié Genève à Hermance dans la joie et la motivation. Un immense merci à l'association Genève Roule, qui nous a permis de louer des vélos à prix bas.

Laetitia Lam





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3 Comments


Mathilde Gaudefroy
Mathilde Gaudefroy
Nov 06, 2022

Merci l'équipe Peaks4all de partager cette histoire avec nous ! C'est très touchant et important. Merci pour les explications, l'information aujourd'hui est extrêmement biaisée donc merci pour cette sensibilisation 🙏🏼

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julie.thomas
Oct 24, 2022

Merci Laetitia de partager un bout de l’histoire d‘Ashraf avec nous. C’est touchant de mettre en lumière son parcours, son arrivée en Suisse et les difficultés qu’il rencontre. L’integration de ces réfugiés passe avant tout par de l’information et de la compréhension de leurs histoires de vie(s) ☀️

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helene.letutour
Oct 24, 2022

Quel beau témoignage ! C'est touchant et juste, quel courage !

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